3 QUESTIONS À...


3 questions à... Maude Espagnacq (Irdes), Stéphanie Guillaume (Irdes) et Emmanuelle Leray (EHESP, Inserm U1309 RSMS), à l'occasion de la parution du Questions d'économie de la santé n° 289 intitulé : « Conséquences financières de la mise en invalidité des personnes atteintes de sclérose en plaques et points de vue des malades », réalisé avec la collaboration d'Emmanuel Duguet (Université Paris-Est Créteil), Sylvain Pichetti (Irdes) et Camille Regaert (Irdes)

Juin 2024

1/ Votre étude s'appuie sur une méthode de recherche mixte, quantitative et qualitative. En quoi cette approche permet-elle d'éclairer les résultats ?

Notre travail s'inscrit dans le cadre du projet « Effects of Multiple Sclerosis on Occupational TraJectorIes » (Emoji), qui s'appuie sur un volet quantitatif à partir des données de la base Hygie (Système d'information sur les indemnités journalières), et un volet qualitatif reposant sur une vingtaine d'entretiens semi-directifs menés en 2020 auprès de personnes ayant une sclérose en plaques (SEP).

A partir d'une base de données représentative des salariés, nous avons pu étudier les montants des indemnités issues des arrêts maladie, du chômage, les montants des salaires et estimer les niveaux de pensions d'invalidité des personnes atteintes d'une SEP sur l'ensemble de leur carrière. En revanche, les pensions versées au titre de la prévoyance complémentaire ne sont pas observées. Les entretiens permettent en outre d'analyser les situations individuelles à partir du point de vue du malade, ces informations n'étant pas disponibles dans les données d'enquêtes médico-administratives.

2/ Quelles situations spécifiques avez-vous observées concernant la mise en invalidité des personnes atteintes de Sclérose en plaques (SEP) ?

Les personnes les plus âgées ont une probabilité plus forte d'être en invalidité que les plus jeunes, ces dernières ayant pu profiter des traitements innovants au moment du diagnostic, ce qui a permis de retarder leur entrée en invalidité.

Les analyses quantitatives ont également montré que les personnes atteintes de SEP passaient rapidement en invalidité après la mise en Affection de longue durée (ALD) ; 60 % des personnes le font dans les trois ans. Cette mise en invalidité n'est toutefois pas synonyme de l'arrêt total du travail à court terme, notamment dans les premières années. Pour un tiers des personnes, la diminution de l'activité professionnelle avait déjà eu lieu avant la mise en invalidité, et intervient après de nombreux arrêts maladie. L'état de santé explique les nombreux arrêts, en particulier au début de la maladie.

Enfin, la date d'entrée en invalidité par rapport au déroulement de la carrière professionnelle, les règles de cumul de salaire et de pension et l'hétérogénéité des situations vis-à-vis de la couverture prévoyance privée conduisent à des situations très différentes.

3/ Quels éléments pourraient aider une partie de ces personnes à perdre le moins de ressources lors de leur mise en invalidité, et éventuellement à prolonger leur carrière ?

Les entretiens qualitatifs montrent la complexité de l'accès aux droits et une moindre perte de ressources pour les personnes les mieux informées. Le passage en invalidité n'est en effet pas un processus simple, c'est pourquoi une orientation systématique vers une assistance sociale ou le médecin conseil dès le diagnostic permettrait de préparer au mieux la réduction de l'activité professionnelle si elle est nécessaire, en perdant le moins possible financièrement.

Une information claire sur les conditions des arrêts maladie, de la mise en pension, avec ou sans poursuite d'une activité professionnelle, contribuerait certainement à mieux anticiper et aider une partie des personnes à prolonger leur carrière, notamment à temps partiel ; en effet, un des enjeux des futures évolutions du système de protection sociale sera, dans un objectif d'équité horizontale, de préserver les possibilités de carrière malgré l'invalidité, notamment lorsque cette dernière intervient tôt dans la carrière.