3 questions à... Anna-Veera Seppänen et Zeynep Or à l'occasion de la parution du Questions d'économie de la santé n° 278 intitulé : « Comment améliorer la soutenabilité environnementale des systèmes de santé ? Une revue de littérature et un cadre d'action pour la France ».
Mai 2023
Le réchauffement climatique constitue une menace grandissante pour la santé des populations ainsi que pour les systèmes de santé. En même temps, les activités du système de santé contribuent fortement au réchauffement climatique. En France, le secteur de la santé est responsable d'environ 8 % des émissions nationales de gaz à effet de serre. Le Green Deal européen de 2019 a fixé l'objectif de neutralité climatique en Europe d'ici à 2050, y compris dans la santé. Néanmoins, le rôle joué par le système de santé dans le changement climatique est largement sous-estimé dans les politiques publiques en France. Il apparaît donc urgent d'identifier les actions susceptibles de réduire l'impact environnemental du système de santé, et de développer des stratégies visant à garantir sa soutenabilité environnementale. Les objectifs premiers de notre étude, menée dans le cadre d'un partenariat entre l'Irdes et le secrétariat général du Haut Conseil pour l'avenir de l'assurance maladie (Hcaam), étaient d'identifier les principaux secteurs de santé qui contribuent à l'empreinte écologique, et les mesures les plus efficaces mises en œuvre pour réduire cette empreinte. Les résultats de nos deux revues de littérature nous ont permis de proposer un cadre d'action holistique visant à assurer la soutenabilité environnementale du système de santé français.
Les secteurs hospitalier et pharmaceutique sont systématiquement identifiés dans la littérature comme étant les principaux contributeurs au réchauffement climatique au sein des systèmes de santé. A l'hôpital, les émissions sont principalement liées aux soins aigus et aux opérations chirurgicales, aux traitements énergivores tels que l'hémodialyse, ainsi qu'à l'utilisation de gaz médicaux. Le secteur hospitalier contribue aussi aux émissions liées à la consommation des produits alimentaires et d'énergie, et à la production de déchets. En France, les produits pharmaceutiques représentent environ un tiers des émissions, dont la plupart sont liées à la fabrication de produits à l'étranger. Le transport des patients, du personnel de santé, des visiteurs et des produits médicaux constitue un autre facteur important du réchauffement, représentant 13 % des émissions liées aux soins en France. La façon dont l'énergie est produite est en effet importante, car elle a un impact sur toutes les activités du secteur de soins, ainsi que sur l'efficacité des interventions environnementales mises en œuvre.
De nombreuses mesures sont susceptibles de réduire efficacement l'empreinte écologique des soins, en particulier dans le secteur hospitalier, et notamment dans les salles d'opération. La littérature montre que la mise en œuvre de protocoles verts pour économiser l'eau et l'électricité, le remplacement des équipements jetables par des équipements réutilisables, l'amélioration de la gestion des déchets hospitaliers, le recyclage et la prévention de la création de déchets, la réutilisation et le retraitement des matériaux, ainsi que les pratiques anesthésiques « vertes » sont des interventions efficaces. La télémédecine est également une solution bien documentée pour réduire les émissions liées aux déplacements des patients et professionnels de santé. Cependant, ces interventions resteront insuffisantes tant qu'elles ne seront pas accompagnées de changements majeurs transversaux, mobilisant tous les acteurs du système de santé. La feuille de route du NHS England qui a été mise en place depuis 2010 en est un bon exemple. Les mesures multiples introduites dans tous les domaines de la santé ont permis de réduire l'empreinte carbone du système de santé de 11 % entre 2007 et 2015, malgré une activité globale en hausse de 18 %.
Propos recueillis par Anna Marek