3 QUESTIONS À...


1/ Pourquoi s'intéresser aux prix d'hébergement en Ehpad ?

En France, les prix d'hébergement dans les Etablissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad) sont financés par les résidents et leurs proches, et peuvent varier de 1 400 à plus de 6 000 euros par mois selon les établissements, avec une moyenne de 2 000 euros par mois. Ils couvrent les investissements immobiliers, l'entretien des locaux, la restauration, l'administration, ainsi que les activités et animations proposées aux résidents. En revanche, les soins personnels et sanitaires sont financés par la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA) et les départements.
Les résidents et leurs proches choisissent un Ehpad en fonction du tarif d'hébergement, de la localisation et de la qualité qu'ils perçoivent (que cette qualité soit financée ou non par le tarif d'hébergement). On peut donc supposer que le niveau de qualité de l'établissement pourrait être en partie lié au prix d'hébergement. Cependant, il n'existe quasiment pas de données ni d'indicateurs accessibles au grand public pour évaluer la qualité des Ehpad en France, contrairement à d'autres pays. L'appréciation de la qualité des établissements est donc difficile pour les consommateurs qui se fient alors au prix comme indicateur de qualité : on parle d'asymétrie d'information. La littérature montre que lorsque le niveau de qualité n'est pas facilement observable par les consommateurs, il existe un décalage entre le prix payé et la qualité des services reçus. Par ailleurs, et cela a été peu étudié, l'offre d'Ehpad varie largement selon les territoires, à la fois en termes de places disponibles et de partage entre le secteur privé lucratif, qui fixe librement les prix d'hébergement et représente 22 % du marché, et le secteur non lucratif (privé ou public) dont les prix sont majoritairement régulés.
Les différences de prix reflètent-elles des différences de qualité entre établissements, et quel est le rôle joué par la concurrence dans la fixation des prix ? Pour y répondre, nous avons calculé des indicateurs inédits décrivant la qualité des Ehpad et le niveau de concurrence entre les secteurs lucratif et non lucratif.

2/ Y a-t-il un lien entre le prix d'hébergement et la qualité des Ehpad ?

Les prix d'hébergement sont très peu liés à la qualité de l'établissement et dépendent principalement de deux facteurs : le prix de l'immobilier au niveau local et le statut des établissements, en particulier leur caractère lucratif.
Par ailleurs, le pouvoir de marché du secteur lucratif, défini comme une faible concurrence exercée par le secteur non lucratif, joue un rôle déterminant. Toutes choses étant égales par ailleurs, les Ehpad lucratifs implantés dans les territoires où la concurrence du secteur non lucratif est moindre profitent de leur pouvoir de marché pour fixer des tarifs d'hébergement plus chers. De plus, il n'y a pas de différence significative de qualité en termes de personnel (soignant et non soignant) ou de qualité du bâtiment. En revanche, les fréquences d'hospitalisation et de recours aux urgences des résidents des Ehpad privés à but lucratif sont plus importantes dans les territoires où le secteur non lucratif est moins présent, ce qui interroge sur la qualité des soins. Ainsi, sur un territoire, quand l'offre à but non lucratif est importante, la concurrence exercée par le secteur non lucratif sur le secteur lucratif permet de modérer les tarifs du secteur lucratif et a aussi un effet positif sur la qualité des soins délivrés, ce qui se traduit par moins d'hospitalisations.

3/ Quelles sont les pistes à envisager en termes de politiques publiques ?

Il est essentiel de développer les outils de mesure de la qualité dans les Ehpad. Un suivi plus complet, standardisé et transparent d'indicateurs permettrait non seulement d'évaluer la performance des établissements de manière plus rigoureuse, de garantir un accompagnement de qualité plus équitable, mais également de réduire l'asymétrie d'information entre les gestionnaires, les résidents et leurs familles. Des outils de mesure, validés internationalement, existent et pourraient être adaptés au contexte français.
Ces résultats appellent également une régulation publique renforcée de l'offre et de la tarification des Ehpad en France. Une piste serait d'encadrer la liberté tarifaire des Ehpad privés lucratifs, à l'instar de l'Allemagne et de l'Autriche, où les prix d'hébergement payés par les résidents sont négociés ou plafonnés, tout en veillant à ce qu'ils reflètent une prise en charge de qualité. Par ailleurs, une meilleure répartition géographique de l'offre d'Ehpad apparaît indispensable pour garantir un niveau optimal de concurrence, notamment entre les secteurs non lucratif et privé lucratif, et pour assurer un accès équitable à des établissements de qualité, quel que soit le territoire.